Airs de Balkans en service de greffe de moelle : Tournesol et Sandrine Monlezun

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La musique du monde est l’un des points forts de Tournesol, Artistes à l’Hôpital. Représentée par des artistes aussi divers que talentueux, elle ajoute au plaisir sensoriel la stimulation d’une découverte culturelle. Depuis 2007, Sandrine Monlezun souffle un vent des Balkans dans les hôpitaux partenaires de Tournesol. Le service de greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis AP-HP a récemment profité du voyage.

Un itinéraire culturel, au gré des chants des Balkans et de la Méditerranée

Le voyage proposé est avant tout celui d’une artiste qui, investie dans une Maîtrise d’Ethnomusicologie, s’est prise de passion pour la musique bulgare. A 24 ans, Sandrine Monlezun quitte la France pour s’installer en Bulgarie. Quatre années passées à Sofia, au contact d’artistes et de compagnies bulgares, lui ouvrent les portes d’un univers musical et culturel nouveau, qui dépasse les frontières de la seule Bulgarie : Sandrine Monlezun s’imprègne également d’influences tsigane, serbe, hongroise…

Un itinéraire à travers les Balkans qu’elle partage depuis 7 ans avec les patients des hôpitaux partenaires de Tournesol, Artistes à l’Hôpital, parallèlement à sa carrière professionnelle. Lors de son dernier passage en service de greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, elle propose une étape en Serbie, avec le chant de mariage « ustaj Kato Â», qui invite la jeune Katerina à préparer sa dot car, lui disent ses parents, « tu es jeune et belle et nous te donnons à marier Â». Elle fait ensuite escale en Hongrie, entonnant le chant d’amour « Hallgato Â». C’est aussi l’amour qui la conduit finalement en Bulgarie, avec « Vasilikos Â», chant des karakchani bulgares (anciens bergers nomades grecs), qui raconte la tristesse d’une femme dont l’homme est parti en voyage. Mais la Bulgarie offre aussi, avec Sandrine Monlezun, des notes plus festives, celles par exemple du chant tsigane « Leski karuchka Â» : « Je me ballade sur ma carriole et je parcours les chemins de la ville, hue cocotte !… Â»

Un univers artistique riche et foisonnant : chant, tambura et « body percussions Â»

L’art vocal est la pierre angulaire de l’univers artistique de Sandrine Monlezun. Elle suit dès l’enfance une formation classique au sein de la Maîtrise de Radio France. L’enseignement de grands musiciens et chanteuses bulgares, suivi pendant son séjour à Sofia, enrichit considérablement sa technique et précise le timbre de sa voix.

Forte de cette compétence, elle se lance dans l’apprentissage de la tambura, instrument balkanique de la famille des luths, qui accompagne aujourd’hui la quasi-totalité de ses prestations vocales. Peu connue, la tambura intrigue les spectateurs ; dans les chambres d’hôpital, Sandrine Monlezun expose fréquemment les singularités de son instrument : son long manche ponctué de 24 frettes, sa caisse de résonnance piriforme faite d’une pièce de bois unique, ses 8 cordes regroupées en paires et accordées comme les 4 premières cordes d’une guitare, son plectre en écorce de cerisier, etc.

Si la tambura interpelle et intéresse, elle ne fascine pas autant que les « body percussions Â», nouvel élément de son univers artistique. Produisant des rythmes, des cadences et des mélodies à l’aide des vibrations corporelles générées par les techniques de percussions classiques, cette pratique musicale explore la diversité insoupçonnée des résonances du corps humain. Elle peut donc aussi bien servir d’accompagnement instrumental qu’être accomplie pour elle-même, deux usages qu’utilise aujourd’hui Sandrine Monlezun. Or l’idée d’un corps humain devenu instrument de musique résonne fortement dans l’esprit de certaines personnes hospitalisées : si la maladie et/ou le handicap fragilisent le corps, la « body percussion Â» le valorise en mettant en jeu à la fois son potentiel créatif et sa vitalité (cette pratique musicale étant particulièrement physique). Emballé, l’un des patients récemment rencontré par Sandrine Monlezun en service de greffe de moelle s’est promis d’apprendre cette pratique une fois la maladie derrière lui.

Un moment musical partagé entre famille et voisins de chambres

Ce double itinéraire culturel et artistique a d’autant plus de valeur pour les patients qu’il peut être partagé avec leurs proches : famille, amis, mais aussi voisins de chambre, comme ce fût le cas lors du dernier passage de Tournesol dans le service de greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis…

La première femme à accueillir Sandrine Monlezun est accompagnée de sa mère. Persuadées que la performance est exclusivement réservée à la patiente, elles sont agréablement surprises d’apprendre que l’artiste se produira avec plaisir pour elles deux. Entre chaque morceau, elles la questionnent sur son répertoire et son parcours, partagent leurs impressions et échangent quelques regards. L’équipe de Tournesol propose à la chambre adjacente d’accueillir également Sandrine Monlezun. Le patient, alors accompagné de son épouse et de sa fille, attend déjà avec impatience : « Nous avons entendu la musique dans la chambre d’à côté, alors nous nous sommes arrêtés de parler. Si nous y avons le droit nous voudrions bien la même chose ! Â». L’artiste reste un long moment auprès de cette famille, alternant performance et discussion.

Deux expériences partagées qui deviendront, espérons-le, de plaisants souvenirs communs.

 

Delphine Maugars – 18 mars 2014